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"La vie maritime d’Eric n’avait aucun secret pour moi. Je dévorais le moindre article, connaissais par cœur son livre sur sa transat avec Pen Duick II, jubilais à chacune de ses innovations.
Initié très jeune à la voile, Eric emplissait ma vie d’ado, comblait mes rêves d’aventure.
20 ans en 1969. Course Saint Malo-Lorient. Nous arrivons troisième. Eric est sur le ponton, monte à notre bord et instaure une discussion animée. Je bois ses paroles, n’ose intervenir et savoure ces instants irréels. D’autres idolâtrent tel ou tel chanteur en vogue, moi c’est Eric que j’auréole et il est là. Le photographe d’un journal local passe et fixe ces moments (Je suis tout à gauche). Le lendemain, remise des prix. Eric est sur l’estrade, à la table d’honneur. Discours et cocktails, j’attends la fin pour m’approcher de lui le cœur battant, le ventre noué. Tapi parmi les convives qui l’entourent, je guette un instant de disponibilité pour l’accoster. J’ose. Face à lui, je lui dis toute l’importance qu’il représente pour moi et que je souhaite naviguer avec lui. Là, il vissa ses yeux couleur de mer au plus profond des miens. Une éternité de silence. La réponse fut brève : « 9 heures demain matin, ponton H ». Mon cœur explosait. La nuit fut blanche, jubilatoire. A 7 heures, j’étais au rendez-vous. Marée basse, en bas de l’échelle, trois Pen Duick côte à côte. Je me hasardais sur ces coques mythiques. Eric arriva avec sa bande, trapu et souriant. Au programme, convoyage de Pen Duick III vers la Trinité. Enthousiaste, je propose mes services, en particulier pour recevoir le gros sac à voile rouge qu’un équipier enlace de ses bras puissants, là haut sur le quai. En bas sur le pont, je lance, téméraire : « vas-y, envoie ». La masse prit de l’élan, arriva dans mes bras impuissants à la freiner et m’écrasa sur le plat-bord ! Démesure de ce poids, démesure de la circonférence des bras d’Eric, démesure de son agilité animale lorsqu’il escalade le grand mat à mains nus sans retenue de sécurité pour en vérifier la tête.
Eric décida d’aller déjeuner à terre avant d’appareiller. Nous envahissons une voiture vétuste encombrée d’accastillage. Boui-boui dont la chaleur de l’accueil compensait largement la simplicité des lieux. Crabe pour tous, comme d’habitude semble-t-il. Eric m’apprends que le meilleur, c’est la masse brune et molle nichée au fond de chaque côté de la carapace centrale. Leçon retenue et perpétuée depuis. Retour à bord. Nous appareillons, Eric à la barre. 3, 4 virements de bords. Un peu en retrait, j’observe le fonctionnement de cette équipe. A la fin de chaque manœuvre, chacun jette un regard furtif en arrière vers le Maître : son visage détendu, l’orchestration était bonne. Faciès renfrogné, pourrait mieux faire. Pas un éclat de voix, l’autorité naturelle est impressionnante, juste une aura.
Le bord va être long. Tout l’équipage se regroupe autour du cockpit. Eric entame le répertoire d’Edith Piaf ; « Mon bonheur à moi, c’est toi ….. » J’adhère, subjugué par autant de quiétude, de puissance tranquille. Les refrains sont largement repris.
Eric me passe la barre, un petit manche de bois assez rustique que je trouve assez difficile à tenir. Réglage du trimmer.
Nous contournons la pointe de Quiberon. Eric décide de passer au plus court. Virement de bord. Je suis au winch, pour border un grand génois. Je termine très essoufflé. Eric regarde ses amers. Deuxième virement immédiat. Je reprends la manivelle. Je donne tout. Impossible d’aller jusqu’au bout ; asphyxié, je cède ma place à une montagne de muscles. Eric frôle les cailloux, revire une troisième fois. J’assiste hagard à la manœuvre, exécutée sans la moindre plainte.
Eric fait partie de ces hommes qui ouvrent des sillages, qui forcent les préjugés avec pour seul outil la conviction, comme si tout cela était tout simplement naturel.
Il y a des pères génétiques, il y a des pères qu’on adopte. Pour moi, il est ancré dans ma généalogie. Il m’a aidé à construire ma vie. Reconnaissance infinie."
Avril 2008
Retranscription intégrale de la lettre qu’Henri Montagner (datée du 19 mai 2007), avait écrite suite à mon « appel à mémoire aux adhérents » que j’avais fait début 2007 et que j’avais appelé « Mémoire volatile ». Henri m’a donné cette lettre cet été après l’avoir lue lors d’un débat que j’avais organisé après la projection du film « Tabarly », au cinéma l’Atlantique à Préfailles.
"Denis Löchen
« Suite à vos contacts avec Jacques Chigard et son courriel du 16 mai 2007, je prends contact avec vous pour vous faire part de deux entretiens que j’ai eus, entre autres, avec Eric Tabarly, mais qui m’ont profondément marqués, tant ils étaient, chacun à une époque différente, très prémonitoires.
Le premier concerne des propos échangés en 1941 alors que nous n’avions pas dix ans ce fut pratiquement le premier échange lorsque nous fîmes connaissance.
Je passais des vacances clandestines à Préfailles où Eric était réfugié, pour la durée de la guerre, avec sa famille dans une propriété appartenant à son grand Père.
Je ne connaissais pas grand-chose aux régates mais étais déjà attiré par les voiliers : Eric m’a fait part que son père possédait un yacht et qu’il faisait régulièrement, avant la guerre, des régates, notamment entre l’Angleterre et La Rochelle, ou la suprématie des anglais était incontestable et Eric en concevait un dépit à tel point qu’il m’a annoncé, sentencieux et convaincu, que lui, quand il serait grand, il battrait les anglais.
Le second entretien évoqué à été le dernier dialogue échangé avec Eric sur le ponton du port de l’Herbaudière à Noirmoutier, peu avant sa fin tragique.
Parlant de navigation, à côté de Pen Duick amarré au ponton visiteurs, il m’informe qu’il ne s’attachait jamais, ne voulant pas être entravé par un harnais et des filières et qu’il préférait, s’il lui arrivait de tomber à la mer, terminer sa vie en dix minutes une fois pour toutes.
Entre temps j’avais rencontré Eric de nombreuses fois à Préfailles ou il était devenu durant les vacances 1941, 1942, 1943 mon camarade de jeux.
Un jour il avait décidé de faire un radeau de fortune, sur la plage, un dimanche, jour de repos des ouvriers de l’organisation TODT qui construisaient des blockhaus le long du littoral pour le compte des Allemands.
Récupérant des flotteurs et des planches nous avions Eric, Olivier le fils du peintre en bâtiment et moi-même, édifié un engin flottant une espèce de radeau sans voile et sans moteur.
Nous avions convenu d’aller déjeuner en vitesse et de revenir ensuite mettre le radeau à l’eau pour faire une promenade en mer, nous avions tous moins de douze ans chacun et aucun n’avait conscience du danger.
Au moment de mettre le radeau à la mer, c’était la mi-marée, et nous commencions de nous écarter du rivage quand un soldat allemand, casqué et botté, armé d’un fusil, s’est élancé sur les rochers et nous a menacé de son arme en nous enjoignant de faire demi tour, ce qui fut fait de façon assez péteuse, mais le brave guerrier nous avait évité d’être emportés par la marée sur un esquif proprement ingouvernable.
Plus tard, lors de mes études à Angers, j’ai eu l’occasion d’être invité au manoir d’Avrillé en 1952 1953 ou il résidait chez ses parents. Eric ne participait pas aux soirées mais restait dans sa chambre à dessiner et à faire des aquarelles de bateaux de différentes époques avec une précision étonnante.
Il serait intéressant que quelque unes de ses œuvres, si elles ont survécues, soient mises en évidence dans le Pôle Eric Tabarly maintenant qu’elles portent une signature mondialement connue.
Je pense que ces quelques souvenirs auront de l’intérêt pour votre projet.
Sincèrement vôtre."
"On a souvent dit qu’Eric n’apprenait rien à ses équipiers en parlant. Pourtant il le faisait En Silence ….
J’ai eu le bonheur d’être à bord de Pen Duick VI en février et mars 1977, moi le simple Plaisancier !!!
J’ai reçu une belle leçon. A bord il y avait Eric âgé de 46 ans, moi âgé de 42 ans et quelques "jeunots" qui faisaient leur service militaire : Philippe Poupon, Titouan Lamazou, Eric Bourris, Philippe Poisson, et d ‘autres (déjà de sacrés marins) ; tous furent adorables et indulgents avec le plaisancier que j’étais. Après 24 heures d’une tempête à force 11 dans le Golfe de Gascogne, racontée par Ph. Poupon dans la revue << Au Large >>, je me retrouvais seul à la barre dans une mer apaisée, mais encore agitée ; Eric est venu s’assoir à coté de moi, silencieux. Au bout d’un quart d’heure il m’a posé une question : "on t’a donné le cap à suivre ? Étonné par la demande j’ai répondu oui; alors le commentaire d’Eric fut lapidaire : Ah Bon (!!!!!) .J’ai compris que mon application était insuffisante !!
Pas de conseil, le silence du Maitre était éloquent et j’ai modifié ma tenue de barre. Après un nouveau quart d’heure de silence, Eric est rentré dans le carré en me lançant : c’est bien, continue comme ça. J’avais appris quelque chose …… Et nous n’étions pas en course ".
C’était , Eric et chaque fois que je suis à la barre de mon bateau je repense à cette leçon ……
Mon regret sera toujours de ne pas avoir accepté son invitation de venir le voir chez lui; j’avais trop de respect pour sa tranquillité pour m’imposer… Nos âges voisins nous rapprochaient et nos rencontres, par la suite, furent toujours chaleureuses empreintes de simplicité.
Il me reste les photos de cette aventure et le film "Un Homme Debout" que j’ai réalisé à cette occasion qui passera peut-être à la Cité de la Voile.
Souvenirs, Souvenir … Amitiés"
"C’est une bonne idée de rassembler les souvenirs et émotions de ceux qui on côtoyé Eric Tabarly.
J'ai pu le rencontrer pour la première fois lors d'une conférence qu'il donna à Saint Omer un soir de brouillard de novembre 1967. L’assistance n'était pas du tout maritime, faite de membres du Rotary régional et d'invités. Eric raconta ses courses sur le II et le III, récent champion du RORC en classe 1, et ses projets, simplement et sans emphase. Il déclencha cependant l’hilarité dans la salle, et en fut surpris, lorsqu' il déclara que pour tester vraiment un nouveau bateau il fallait "un bon mauvais temps"...
Ce soir là j'obtins d’Eric Tabarly une dédicace de son livre "Victoire en solitaire", que j'avais pris avec moi. Vingt six ans après j’eus l’occasion, et la joie, de prêter ce livre à Jacques Pichavant, lorsqu'il entreprit la reconstruction de Pen Duick II à Pont Labbé en 1993. Il me le renvoya quelques mois plus tard, en me précisant aimablement combien il avait servi à la reconstitution des détails d'accastillage, et d'aménagements intérieurs.
Bien cordialement,"
"Chers Amis de la Voile et de la MER,
Je remercie tout d'abord mon Fils ainé Pierre-Jean BROCHAND, grand sportif, (qui est lui aussi un Grand Praticien de la Voile depuis son enfance) qui m'a retransmis un mail reçu de vous, car il avait deviné que tout ce qui touche Eric (ainsi que ce qui "tourne" autour de lui et de sa mémoire) ne peut que nous intéresser, que nous soyons résidents de Saint Malo, de Lorient ou autres lieux "forts de sa mémoire".
Nous sommes, à Saint Malo, un groupe qui a eu des contacts depuis de nombreuses années tant avec Eric qu'avec d'autres de ses Amis, et je pense entre autres au regretté Raymond LABBE, Charpentier de Marine particulièrement expérimenté (et également "Expert National en matière de Marine en bois" et "Expert auprès du Ministère de la Culture et du Patrimoine", ce qui lui a permis de suivre, après bien d'autres, la construction du grand voilier HERMIONE au Chantier de ROCHEFORT), et qui a construit de si nombreux voiliers traditionnels. Malheureusement Raymond nous a quittés en 2006.
J'ai moi-même contribué à développer certains aspects de la Marine et des Ports en créant cinq PROPELLER Clubs, dont celui de SAINT MALO et de LORIENT/Port-Louis. Ce dernier a d'ailleurs choisi pour Marraine notre Amie Jacqueline TABARLY qui nous a fait l'amitié d'accepter cette "charge", et je mets en copie de ce mail mes Amis de LORIENT afin, si besoin était, de créer un synergie autour de vos projets, mais c'est à eux d'en décider.
Ce message n'est, peut-être, qu'un premier contact; à vous de voir si vous en souhaitez d'autres.
Avec l'assurance de mes meilleurs sentiments amicaux, à la fois en mémoire d'Eric, que de tous les Amoureux de la MER, manifestations d'Amitié également destinés à Jacqueline TABARLY, pour tout ce qu'elle réalise avec tant d'énergie et de volonté."
"En lisant un jour des années 70 que Tabarly avait gagné la Transat devant les anglais qui nous avaient toujours dominés, j’ai eu un sentiment de fierté et l'idée que la Plaisance devenait aussi et enfin... française..! Eric ne m'a plus quitté! Ce fut d'abord un guide, une référence, un phare! Depuis lors je me suis mis à naviguer avec lui à bord sans qu'il le sache. Il a été mon passager clandestin et souvent je me disais «là Tabarly aurait certainement fait ainsi". Surtout dans les moments difficiles en solitaire. Ses livres avec ses astuces je les connaissais presque par cœur et en mer combien efforts de mémoire il m'a fait faire pour me souvenir de ses "astuces" de grand marin solitaire !!
Avec l'âge je me disais je naviguerai tant que le pourrais et tant qu'Eric le pourra aussi. Un phare dis-je!
Quand il a disparu j'ai perdu avec lui un peu mon adrénaline de marin. Maintenant je me suis remis à la voile, (j'avais arrêté en 1999) j’ai 66ans, et je pense à lui à chaque joie ou peur que cette passion m'apporte parce que c'est lui qui a guidé mes premiers bords ; ça ne s'efface pas ! C'était un vrai marin avec un vrai sens marin qui savait la météo sans électronique et qui coupait sa radio dès le départ en course ; son assistance c'était lui et lui seul avec son immense compétence et son esprit endurci de marin visionnaire ! Sans lui je n'aurais pas navigué pareillement car il nous a tous décomplexés. A l’époque de ses premières victoires il n'y avait que de que des "yachtmen" des "yacht club" et on naviguait en "blazer "bleu marine. Pantalon blanc. Eric est arrivé, la vrai "plaisance aussi derrière lui. Il l'a démocratisée sans la vulgariser. IL lui a donné cette "french touché «inimitable entre simplicité apparente et complexité technique futuriste.
Un homme qui sait arriver premier à New York de nuit, et qui ignorait son classement. Premier sans tambour ni trompette, ç’était tout lui!
Un jour de janvier 1980 je suis allé lui serrer la main au CNIT, à la Défense, et j'ai touché l'Homme comme on touche un Dieu; je suis reparti comme s'il m'avait donné de son talent par sa poignée de main..Certes je ne suis rien mais grâce à lui j'ai navigué avec lui, j’ai cru avoir de son talent sans être dupe de mon état. Et il m'a souvent parlé à l’oreille, mais il ne l'a jamais su.
Merci Eric pour ton talent égal à ta modestie : tout le contraire de moi!
L'année de sa disparition en quelques mois j'ai perdu mon père, Eric Tabarly, et Frank Sinatra, trois façons d'être orphelin, maintenant j'ai des souvenirs, beaucoup.
Je me souviens de Musset parfois :"il n'est pire misère qu'un souvenir heureux dans les jours de malheur".
Comprenne qui voudra!
SALUT MEC! Tu es toujours à mon bord, s’il te plait arrête de m'engueuler je ne progresserai plus ! à plus vieil ami.
PS: Mes respects à Mme Tabarly et bravo à tous ses amis de l'association."
"A l'été 1988, j'ai fait la transat sur "Pen Duick VI" de St Malo à New York, via Terre Neuve. Le skipper était Jean-Marc Hercelin. Au retour, le club Alcyon avait rassemblé les équipages sur une péniche à Paris, prés du Trocadéro, sous la présidence d'Eric Tabarly.
L'hiver 1989, j'ai fait la croisière de "Pen Duick VI" à la Martinique (départ Fort de France, circuit des îles Grenadines, descente côté Atlantique et remontée côté mer des Caraïbes). Le skipper était Arnaud Dhalenne.
Je vais essayer de vous retrouver des photos, mais j'ai déménagé depuis et ces photos sont restées chez mes parents.
Je vais faire de mon mieux; soyez en tous cas assurés de mon soutien et de ma fidélité."
"C’était un bateau formidable, et très inconfortable. Aucune hauteur sous barrots, des fuites d’eau à l’intérieur. Sur le pont, ça mouillait également beaucoup. Il était dur à la barre. Eric aimait déjà torcher la toile, beaucoup plus que nos concurrents d’alors. Lors de la course des Bermudes, nous étions l’un des plus toilé. En tête toutes classes à la veille de l’arrivée, une bascule de vent nous a privé de ce résultat. Les télés américaines et françaises étaient déjà sur le coup... "
"En 1981, pour son troisième tour du monde, c’était un bateau largement dépassé.
Il était beaucoup plus lourd que ses principaux adversaires. Les voiles d’avant pesaient des tonnes et tout était tendu à craquer, sous tension maximale. Les manœuvres étaient vraiment physiques, et à chaque fois, Eric était sur le pont. Dans la deuxième étape (Indien), on a explosé nos neuf spis. Mais sentir ce mastodonte dévaler les pentes à fond la caisse était réellement impressionnant. Et ce n’était pas Eric qui allait mollir alors que c’était le matériel qui nous trahissait."
"La Baule-Quiberon : les lecteurs de cette lettre ont tous vécu des navigations plus ambitieuses, mais la mer s’impose dès le moteur coupé Pointe de Penchateau : certes mer calme à peu agitée, ciel gris, bruine et averses, banal oui, mais des éclairs strient la nuée rose du matin et donnent au paysage sa dimension ; oublie la côte, c’est l’horizon qui s’impose…
Basse Love, Le Four, Les Cardinaux, ces amers ont orienté nos parcours et nous situent dans la vie mais ce matin-là sur le Canal 16 de la VHF une voie angoissée, hachée, raconte une panne de moteur « à l’Est d’Hoëdic ». Patience, pédagogie, calme de la personne qui prend l’appel au CROSS d’Etel mais l’homme en panne ne sait rien dire de sa position, malgré la belle visibilité, et répète qu’il dérive. On finit par apprendre qu’il s’agit d’une vedette blanche qui fut ensuite repérée et ramenée au port mais tout se passe comme si le « permis bateau » ne vérifiait que la capacité manœuvrière au moteur sans exiger de capacité à comprendre, se situer, anticiper en mer…
Naviguer sur Pen Duick II, avec son skipper Maxime, et son agile second Simon est au contraire un beau moment d’intelligence de la mer. D’abord découvrir à la barre le II sous différentes allures, se faire piéger, comme un gamin sur son dériveur, par une saute de vent du SW au NW et gérer yankee et trinquette à contre, appel à la modestie. Et puis échanger avec le skipper : il avait su accueillir pendant Les Voiles de Légende à La Baule des soignants de Saint Nazaire heureux de leurs journées à bord. Et très vite on revient à sa stratégie : le bateau est attendu à Granville : de l’heure de la renverse à La Teignouse, au vent prévu le lendemain pour aborder le Raz puis le Four, une vision pragmatique se dessine.
Naviguer, certes et la lumière sur Quiberon était belle ce soir-là, mais se former aussi auprès de marins plus seniors, un luxe.
Merci à l ‘Association"
Le 11/08/2020
Excepteur sint occaecat cupidatat non proident, sunt in culpa qui officia deserunt mollit anim id est laborum.
" Les embruns qui montent de l'avant couvrent le cockpit. Le soleil est toujours présent pour sécher nos tignasses mouillées. Nous passons par le travers des Birvideaux, en route sur Groix.
Le vent a encore fraîchi et Eric est assis en avant du cockpit. Les bras croisés, il contemple son vieux compagnon. Pense-t-il aux cavalcades de l'hydrofoil lancé à trente noeuds? Au calme équatorial de la mer des Sargasses? Savoure-t-il simplement le bonheur du moment présent? Son visage est impénétrable. Par moment une vague plus forte éclate à l'étrave, douchant le pont tout entier tandis que le barreur est emporté un instant sous le vent.
Un grain monte porté par un nuage noir. Dans un premier temps Pen-Duick accélère sous la poussée, puis gîte fortement. En larguant un peu d'écoute le gréement est soulagé un court instant. Eric hésite à manœuvrer. Mais le vent rentre toujours et le pont est désormais envahi par la mer. Tant et si bien que de plus en plus gîté, nous perdons de la vitesse et sommes bientôt littéralement stoppés. Se redressant, le bateau passe subitement sur sa barre. Il se retrouve alors sur l'autre amure. Il y a cinquante nœuds de vent. Dans un premier temps, nous donnons de la drisse de pic pour ouvrir la chute, mais cette foutue grand-voile aurique est décidément géante. A la manière des chevaux rétifs pour lesquels les supplications du maître ne peuvent rien, Pen-Duick ne répond plus. Il faut saluer en grand et rentrer toute la toile. Et pour cela : raidir la balancine, donner du pic et du guindan en même temps pour amener la vergue horizontalement au pont. Le cotre est désormais redressé. Sous sa trinquette seule, au près, il ne peut faire route, mais le gréement est soulagé. En abattant, il prend rapidement de l'erre. Dans cette folle sarabande, un moment sans bastaque, le mât de pitchpin a tenu bon. Le sombre grain continue vers Quiberon et la lumière renaît avec la brise redevenue maniable. Nous faisons route à nouveau sur le port de Groix sous grand voile à un ris et trinquette. Inlassablement, fouillant l'eau de son bout-dehors, Pen Duick progresse de toute la masse de ses onze tonnes. "
"Un mot me vient pour le qualifier : harmonie. C’est un bateau aussi agréable pour la balade à la journée, avec pique-nique au bord d’une crique, que pour un tour du monde.
C’est une véritable mobylette tant son gréement fait merveille, permettant par exemple de manœuvrer sous voile dans un port en toute sécurité. Son vrai point fort est le largue, où sa grande misaine lui apporte une puissance impressionnante. Avant le Vendée Globe, mon idée était de changer les appendices. Eric m’a écouté, dubitatif, et m’a dit : - quand ça marche, il ne faut toucher à rien -. Il avait mille fois raison."